Quoique passé par Rome et Paris, toute sa vie, attaché au Béarn, Joseph Castaing ne fera pas carrière ailleurs que dans sa ville natale, Pau. Même s’il ne dédaigne pas de répondre à des commandes parfois lointaines, l’amour qu’il porte à sa famille et à son environnement personnel le conduit à pratiquer son métier loin des remous de la capitale. Catholique fervent, il applique des valeurs originales à sa vie, dans laquelle sa femme et ses enfants occupent une place prépondérante.
Henri Théophile Joseph Castaing naît à Pau le 1er août 1860, septième enfant d’une famille qui en comptera huit. Il hérite de ses parents une foi profonde et inébranlable, ancrée dans une puissante tradition catholique, nourrie par son instruction chez les Frères des Écoles chrétiennes, jusqu’en 1875, où il obtient le certificat d’études, puis chez les Pères du Collège Notre-Dame de Bétharram.
Mais, hors de sa famille il ne faut pas négliger une influence fondamentale dans sa vie, exercée par sa famille nourricière, les Lajus-Baccarère, à Gomer, chez qui il fut placé en nourrice de 1862 à 1867, pour soulager sa mère fatiguée après tant de grossesses. Exploitants agricoles, vivant dans une campagne profondément enracinée dans la tradition béarnaise, ils apprennent à Joseph la langue béarnaise et les valeurs d’une vie simple et laborieuse.
Enfant, il manifeste des prédispositions artistiques. « Dans l’environnement professionnel paternel (le père de Joseph est maître plâtrier, ndlr), son goût pour le dessin se manifeste très rapidement ; il récupère des bouts de crayons auprès des ouvriers de son père : “Je fis une fois un bonhomme dont mon père fut si content qu’il m’acheta un crayon bleu et rouge, un peu de papier, et m’admit au grand honneur de travailler à son bureau pendant qu’il faisait ses comptes. Je ne crois pas que les récompenses obtenues par moi plus tard, aux divers concours ou Salons de Paris, m’aient causé une émotion plus profonde que ce crayon bleu et rouge placé comme jalon à l’origine de ma vocation de peintre”. » (Joseph Castaing, Mémoires d’un âne, à mon fils René, sd. Cité de Castaing, Michel. Joseph Castaing, un peintre béarnais, 1860-1918. Livret de l’exposition à la Maison Carrée, Nay, 08 juillet-31 août 2011)
Après l’obtention de son baccalauréat, il entre en 1881 dans l’atelier de Victor Vénat, professeur de dessin à Pau depuis plus de vingt ans, peintre d’intérieurs béarnais, de paysages et de tableaux religieux.
Outre l’apprentissage des notions fondamentales du dessin, de la composition, de la couleur, Vénat laisse ses élèves libres de manifester leur propre tempérament sans leur imposer ses conceptions. Conscient toutefois que sa formation n’est pas suffisante, il incite son élève à partir séjourner en Italie, au contact de l’antiquité classique, des Primitifs et des maîtres de la Renaissance, passage « obligé » pour la plupart des artistes à cette époque.
Pourquoi ne pas avoir conseillé à Joseph Castaing d’aller briguer le concours de l’école des Beaux-arts de Paris, et ainsi tenter le Prix de Rome ? Cela restera un mystère, d’autant que réunir l’argent pour le voyage en Italie demandera à Castaing plusieurs années qui le forceront à renoncer à ce prix prestigieux car trop âgé pour concourir. Peut-être Vénat voulait-il d’ailleurs épargner à son élève le formatage officiel, et lui permettre ainsi de découvrir les richesses de l’Italie avec un œil « pur ».
Joseph ne voulant pas faire supporter à sa mère ces frais (son père est décédé en 1872) entre au collège de Bétharram à la rentrée 1882 comme professeur de dessin ; ce n’est qu’à l’été 1888 qu’il pourra enfin partir. Grâce à Vénat il trouve l’hospitalité à la Villa Médicis où il rencontre Henri Pinta (1856-1944), qui achève son séjour en tant que Premier Prix de Rome.
Inspirés par un même sentiment religieux, les deux hommes se lient tout de suite d’amitié. Joseph Castaing s’inscrit à l’Academia di San Luca, où il apprend la décoration ; le soir il suit des cours de nu, et les autres moments de son séjour sont consacrés à la découverte des chefs-d’œuvre dans les musées de la ville et les églises.
Il visite aussi Florence, Padoue et Assise, où il admire Filippo Lippi, Giotto, Fra Angelico, Botticelli ou encore Mantegna. Il découvre en eux la simplicité des formes et la modestie des scènes, empreintes d’une profonde foi chrétienne qu’il ressent comme proche de la sienne. « Ses pérégrinations en Italie, dont il visita les principaux centres artistiques, eurent ce résultat de lui démontrer irréfutablement que le progrès s’arrête au point précis où l’art cesse d’exprimer simplement sa pensée, pour sacrifier aux séductions de métier. C’est ce principe qui lui servira de règle désormais. » (Marianne, Jules. Éloge funèbre de Joseph Castaing, in Le Patriote des Pyrénées, Pau, 25 janvier 1918)
Sur les conseils d’Hébert, directeur de la Villa Médicis, et de Pinta, Joseph Castaing part ensuite pour Paris où il entre à l’atelier de Léon Bonnat, probablement à partir d’octobre 1890. Il s’inscrit également à l’école de Dessin du IIème arrondissement de la ville de Paris, sous la direction d’Émile Laporte, où il recevra une médaille d’argent pour ses mérites.
Ce séjour à Paris reste cependant peu documenté ; il est pour l’instant impossible de déterminer précisément son parcours. Grâce aux relations de Pinta, Castaing rencontre Eugène Carrière (1849-1906), qu’il retrouvera à plusieurs reprises à Pau, Henri Fantin-Latour (1836-1904), Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) et Maurice Denis (1870-1943).
Puvis de Chavannes impressionne particulièrement le palois qui lui vouera toujours une grande admiration, de même pour Carrière qui lui apportera de précieux enseignements sur les valeurs et la couleur. Dès lors, à sa formation classique, Castaing allie un esprit proche du symbolisme et s’ouvre à d’autres influences : Le Guerchin, Diaz, Rembrandt, et plus largement la peinture française du XVIIIème siècle.
Peu attiré par une carrière parisienne, Joseph Castaing rentre finalement à Pau où il loue l’atelier de son ancien maître Vénat décédé entretemps, et retrouve sa place de professeur de dessin à Bétharram. Il épouse le 11 avril 1893 Rose Picamilh. Très vite après son retour, il ouvre dans son atelier un cours de dessin et de peinture où il accueillera chaque semaine pendant près de 25 ans une trentaine d’élèves. On y compte surtout des femmes et des jeunes filles, Castaing leur accordera une place particulière, se montrant un homme aux idées larges, très apprécié de ses élèves, à une époque où la formation artistique pour les femmes était un véritable périple. L’ambiance y est libre, sans compétition, un endroit ouvert, où élèves, amis, amateurs d’art, enfants du peintre, et épouse, participent tous à cette vie artistique.
Xavier de Cardaillac, journaliste sous le pseudonyme de Joconde raconte : « Dès que je fus entré, pour la première fois, dans l’atelier du peintre Castaing, à Pau, après m’être présenté moi-même, je reçus un accueil si simple et si cordial, que je me sentis, là, chez moi tout de suite […] Les crayons de pastels à la main, l’artiste essayait de saisir au vol l’expression changeante d’un bébé rose et blond, qui pleurait quand la maman et la nounou s’efforçaient de le faire sourire […] » (Le Télégramme, 17 janvier 1906. Toulouse).
Joseph Castaing recevra parmi ses élèves quelques grands noms de la culture paloise : Ernest Gabard, Paul Mirat, Lucien Vérité, son propre fils René. Hubert Damelincourt y recevra ses premières leçons. Les relations nouées avec la famille Tardieu vont ouvrir au peintre tout un monde, celui de la bourgeoisie et de l’aristocratie, qui lui amèneront de nombreuses commandes de portraits et de décorations de villas. De même on peut raisonnablement penser que ses postes d’enseignant aux collèges de Bétharram, puis d’Oloron, à partir de 1894, lui ont permis d’accéder à des commandes de décorations religieuses.
Outre son activité artistique, sa vie familiale est émaillée de joies, de peines et de difficultés financières. Entre 1895 et 1910, huit enfants naîtront au couple dont deux mourront encore nourrisson, en 1899 et en 1908. Joseph Castaing habitue ses enfants dès leur plus jeune âge à la prière, surveille leurs travaux et leur fait faire de longues promenades, surtout en été. Il accordera toujours une place particulière à sa vie familiale, n’hésitant pas à quitter l’atelier pour jouer le soir de la musique avec sa fille aînée Marie, lui au violoncelle, elle au piano, ou pour recevoir des amis.
En 1900 la situation financière de la famille lui permet d’acheter une grande maison avec dépendances située rue de la Porteneuve où le peintre peut aménager un vaste atelier, bien plus grand que celui qu’il occupait précédemment. Ses élèves bien mieux installés peuvent désormais travailler dans de meilleures conditions. « […]le maître était là avec un enseignement magistral, respectant la personnalité de chacun, nous apprenant le travail des masses d’ombres et de lumières, valeurs et modelés, surtout pas de « fils de fer » abomination de la désolation, sans négliger la primordiale solidité du dessin . Margot (la troisième fille des Castaing) était la meilleure élève de son père ; passaient de temps en temps la silhouette préraphaélite de Marie la musicienne, la douce ombre à peine entrevue de Madame Castaing, plus rarement. Et pendant la guerre, Marie-René (sic) […] apportant en permission ses carnets de Salonique, remarquables croquis bleus et ocres exécutés avec une boîte d’écolier. Passaient encore et quelques fois jetaient un coup d’œil sur les élèves, Lord Russell avec sa haute taille et sa cape et tant d’autres amis et admirateurs […] » (Lettres de Mme Guilhem de Lataillade à Loïs Castaing, 18 mars 1980)
Fin 1907, Maurice Rouhier, propriétaire de Pau-Gazette et organisateur des « Jeudis de l’Université » qui se tiennent dans la Salle des fêtes du Palais d’hiver, demande à Joseph Castaing de mettre un de ses autres talents à contribution, l’art oratoire, pour plusieurs conférences. Le 16 janvier suivant, la première, « La femme dans l’art », est un succès. Le peintre s’y montre habile discoureur, précis et bien documenté, possédant de solides connaissances en art. Empli d’humilité, éloquent et ne dédaignant pas quelques traits d’humour bien placés, il sait charmer son public. Il réitère le 23 février avec pour sujet « Le goût dans l’art », et en mars 1910, il fera une troisième intervention, aux « Mardis littéraires » cette fois, sur le « Bonheur ».
Le succès grandissant, en 1912 l’atelier connaît de profonds travaux de réaménagements, offrant de plus grandes surfaces pour accrocher les toiles. Joseph Castaing admet à l’atelier sa fille Marguerite et son fils René qui présentent tous deux de grandes aptitudes artistiques. Ce dernier écrira au lendemain de la guerre : « […] Chaque année, j’employais mes vacances à dessiner à ses côtés. Déjà, contrairement aux méthodes employées avec les débutants, il ne me permettait pas de dessiner avec des lignes qu’il appelait fils de fer. Tout le dessin tenait pour lui dans un jeu combiné d’ombres et de lumières dont il m’apprenait à écrire la forme sans tenir compte des demi-teintes.
« Jamais je ne découpais le profil de Dante ou le galbe du Discobole autrement que par la valeur du fond environnant et quand je dessinais un paysage, qu’il s’agisse d’une maison, d’une route ou d’un bouquet d’arbres, je n’avais à ma disposition que des taches d’ombres et de clarté.
« Sans cesse, outre l’exemple qu’il me donnait lui-même, il me mettait sous les yeux, à l’appui de ses théories, Rembrandt, Chardin, Millet et Carrière qui étaient ses maîtres préférés. » (Citation de René Castaing, in Castaing, Michel. René-Marie Castaing, Peintre béarnais, Grand Prix de Rome 1924. Revue de Pau et du Béarn. 1997, n°24, pp 181-182, Pau)
À la déclaration de guerre, René qui n’a pas encore 18 ans, sert comme brancardier bénévole à la Croix-Rouge, en attendant de pouvoir s’engager. Avec la guerre, de nombreux bâtiments publics et hôtels sont réquisitionnés, faisant de Pau un centre de réfugiés et un immense hôpital pour les blessés, y compris Allemands. Avec le départ de René à la fin de l’année 1914 comme engagé volontaire, une abondante correspondance s’engage entre lui et son père, qui outre les différentes nouvelles, sera l’occasion de poursuivre la formation artistique.
Au printemps 1917, après une sortie avec ses élèves à Bizanos Joseph Castaing tombe cependant malade. La bronchite évolue en pleurésie, et suivant les conseils du médecin, la famille s’installe à partir du mois de juin à l’extérieur de la ville au quartier champêtre du Béziou. Là, le peintre peut se rétablir doucement, mais de retour à la maison paloise en septembre sa santé décline irrémédiablement. Il décède le 21 janvier 1918. Les obsèques ont lieu à l’église Notre-Dame, le 25 au matin. « Travailleur infatigable, passionné pour son art, il a été persécuté toute sa vie, par la hantise de toujours mieux faire. Il se satisfaisait si difficilement ! Peut-être n’y est-il jamais parvenu. Il se méfiait de l’œuvre venue trop vite, craignant qu’elle ne fût superficielle. Combien de belles choses n’a-t-il pas détruites, pour les avoir voulues plus parfaites. Aussi avait-il horreur des habiletés en peinture. Il jugeait que l’effort était indispensable pour donner sa valeur à l’œuvre que l’on veut rendre durable. » (Jules Marianne. Éloge funèbre de Joseph Castaing in Le Patriote des Pyrénées, 25 janvier 1918. Pau)
En savoir plus sur l’artiste
Les influences et les amitiés
Si plusieurs artistes du passé influencent le travail de Joseph Castaing, comme Fra Angelico, Giotto, Chardin ou encore Rembrandt, quelques contemporains le touchent particulièrement : Eugène Carrière reste le plus important. Ses amis sont peu nombreux mais bien choisis : Henri Pinta, Édouard Tauzin, Thérèse Tardieu, pour les plus importants.
Pourquoi Joseph Castaing n’a-t-il pas été attiré par le modernisme de son époque et l’avant-garde ? Souvent désabusés par les progrès techniques et scientifiques, déçus par les perspectives passéistes, les artistes de l’avant-garde, emportés par les bouleversements des codes et par l’expérimentation, ne pouvaient trouver d’écho dans l’œuvre du maître palois, profondément croyant, attiré par une vie simple et provinciale. Castaing se montre attaché à une tradition ancienne, classique ; cependant s’il admire les Grecs, il leur préfère les peintres de la première Renaissance, des Trecento et Quattrocento (Fra Angelico, Filippo Lippi, Cimabue, Giotto), animés d’un sentiment religieux, comme le sien, et pour lui totalement absent chez les Grecs de l’antiquité, attirance qui l’écarte des points de vue des adeptes de ce que nous appelons de nos jours l’Académisme.
Les XVIIème et XVIIIème siècles français et flamand ont aussi eu leur influence : Rembrandt, Chardin, et au XIXème siècle Millet, surtout dans le choix des thèmes intimes et dans les coloris obscurs.
De ses contemporains, Castaing admire Albert Besnard (1849-1934), peintre au classicisme poétique emprunt d’une touche de modernité héritée de l’Impressionnisme et d’une touche de Symbolisme. A nos yeux, épris d’art avant-gardiste, il nous paraît bien fade et a sombré dans un oubli relatif. Il faut bien constater que l’Histoire de l’art, afin de privilégier un cheminement plus linéaire, a écarté nombre d’artistes de ce genre, n’appartenant ni à l’Académisme ni au Modernisme, au profit d’un cheminement plus linéaire. L’Histoire de l’Art dépeint traditionnellement un monde assez manichéen, partagé entre des avant-gardes légitimées par le tempsparti et un académisme sclérosant et inepte. Il existe cependant – et toujours aujourd’hui – entre ces deux pôles, une production artistiques immense et d’une richesse considérable, écartée, mais qui heureusement commence à être redécouverte.sy
Eugène Carrière qui fit plusieurs séjours dans les Pyrénées pour sa santé et celle de sa femme eut une influence particulière sur Castaing. Ce dernier avait fait sa connaissance à Paris par l’entremise de leur ami commun Henri Pinta, peintre lui aussi. Carrière fréquentait Fantin-Latour, Monet, Degas, Renoir, Puvis de Chavannes, ainsi que le cercle des peintres et poètes symbolistes dont il faisait lui-même partie. Carrière est connu pour ses nombreuses peintures familiales, ses maternités, des scènes à l’ambiance vaporeuse, éthérée, crépusculaire, sous des lumières intimistes étouffées, dominées par les tons de terres. Il ne fait aucun doute qu’il a transmis à Castaing certaines de ses idées sur l’art et notamment sur le métier proprement dit. Bien que visuellement de nombreux points différencient ces deux artistes, l’amour de l’intimisme, de la famille, de la prière humble, les réunit. Eugène Carrière a d’ailleurs laissé un portrait de Joseph Castaing.
De nombreuses personnalités et beaucoup d’amis visitent régulièrement l’atelier : Henri de Montebello, Alfred de Lassence, Stanislas Lavigne, Xavier de Cardaillac, par exemple. Henri de Montebello aime regarder le peintre à son travail pendant de longs moments. Jules Marianne, pharmacien et artiste, amateur d’art et fin connaisseur, devient rapidement un inconditionnel de l’œuvre de Castaing. Ensemble ils effectueront plusieurs voyages à Paris pour les expositions. Marianne apporte régulièrement à l’atelier le résultat de ses propres découvertes.
Parmi ses amis dans le Béarn on trouve l’abbé Tauzin et l’abbé Bégarie, quelques-uns de ses élèves, Lucien Vérité, Thérèse Tardieu, Ernest Gabard. Il fréquente des poètes et écrivains, en particulier des félibres (Tauzin, Simin Palay, Jean-Baptiste Bégarie), Francis Jammes. Castaing illustre d’ailleurs le chef-d’œuvre de Palay, Case, de cinq gravures, et réalise le portrait de Jammes.
Au reste, Joseph Castaing n’est pas seulement peintre il est aussi musicien, violoncelliste, et l’on ne s’étonnera pas de trouver dans son cercle Léandre Czerniewski, organiste de l’église Saint-Martin, Paul Chabeaux, compositeur, de Lescazes, de Montebello, le ténor Louis Alonso…
À Paris, les amis de Castaing sont essentiellement des peintres. Outre Carrière il entretient avec Henri Pinta une franche amitié. De formation académique, Pinta pratique un art classique plutôt libéral, en marge des avant-gardes. Castaing reste aussi en relation plus distante avec son ancien maître Léon Bonnat. Il apparaît d’ailleurs sur le panneau central du « Triptyque bayonnais », peint par Henri Zo pour le musée de Bayonne, qui montre Bonnat au milieu de ses élèves.
Expositions
Joseph Castaing a participé à de nombreuses expositions tout au long de sa vie, parfois avec une grande continuité, comme au Salon des Amis des Arts de Pau ou au Salon des Artistes Français à Paris. L’artiste a montré quelques œuvres également à Bordeaux, Toulouse, Liverpool.
C’est au salon de la Société des Amis des Arts de Pau que Castaing sera le plus fidèle. Le salon se tient chaque année du 15 janvier au 15 mars et le peintre y participe dès 1891 où il fait trois premiers envois tout de suite remarqués, jusqu’en 1915, date à laquelle la plupart des manifestations sont suspendues à cause de la guerre, avec pour seules interruptions 1909 et 1911. Ses envois sont toutefois assez modestes et en petites quantités, en général entre un et trois tableaux, huit sera le maximum en 1899. Il s’agit surtout de portraits Portrait, de scènes de genre souvent modestement qualifiées par ses soins « d’études ». Les seules œuvres de grand format dont nous soyons certains sont : en 1906, Au piano, nommé aussi Marie Castaing au piano, de 118x91cm, dont la ville fait l’acquisition lors du salon pour 1500Frs ; en 1908, Alma redemptoris Mater, un triptyque de 125x93cm.
Les critiques du salon de 1894 montrent bien que Castaing est encore à l’époque un peintre peu connu, parmi de nombreux autres artistes. Son originalité le fait cependant remarquer, son style étonne, surprend, ne déplaît pas, mais divise.
Déjà en 1891, pour le portrait de Mlle X, le critique L. de J. du Mémorial des Pyrénées du 15 mars 1891 écrivait : « Tous nos vœux de succès au jeune artiste palois qui mérite d’être encouragé au début d’une carrière que ses efforts sauront rendre brillante […] le tableau de Mr Castaing est très discuté, il n’y a pas grand mal à cela, car il vaut mieux provoquer la discussion que recueillir l’indifférence. » De son côté L’Indépendant des Basses Pyrénées, le 14 février remarque : « J.C. peint en poète autant qu’en artiste, en poète surtout car l’idée nous paraît supérieure à l’exécution et quelques défauts assez apparents, le raccourci du bras gauche par exemple, dénotent parfois une facture un peu lâchée. En tous cas la conception générale est remarquable […] »
En 1898, La jeune mère fait dire à un critique : « Joseph Castaing, en subissant l’influence impressionniste de Carrière ne peint plus qu’à travers des verres fumés. Sa peinture fantomatique se ressent, un caractère hargneux, ne trouvant rien de bien, rien de bon, ayant la manie de la persécution, et l’horreur de la critique. Petit de taille, de teint terne, cependant ayant du nez et un clair atelier, il tâtonne entre le charbonnage du pastel, et le clair flasque des lumières factices. Dans des fonds monochromes, à peine moirés de rayons artificiels, il esquisse des silhouettes décolorées, mais ne fait et ne fera jamais crier, comme le fataliste de Diderot : “ Touche-moi, étonne-moi, déchire-moi, fais-moi tressaillir, pleurer, frémir d’abord, ensuite tu recréeras mes yeux si tu peux.” Qu’y a-t-il dans cette femme rappelant l’Infanticide, berçant une bûche emmaillotée ; dans cette mère regardant le crâne d’un enfant hydrocéphale dans un berceau trop passé au bleu, et dans ce passant attardé de nuit, rue du moulin, pour arroser les pavés municipaux. A quoi bon perdre un temps précieux à colorier ce qui ne peut s’acheter, lorsqu’on a un bagage de coquets pastels, à l’éclairage nacré, plein de blancheurs laiteuses et de raffinements de touche, quand on fait des enfants superbes de pâte, de coloris et de lumière. » (Gazette béarnaise, du 23 au 30 janvier 1898. Pau)
Castaing sera encore discuté à l’exposition de 1910 : « J’ai beau me creuser la tête, je n’arrive pas à deviner pourquoi cet artiste dont le talent est incontestable, s’entête à charbonner des ombres, au lieu de les dessiner. Il nous offre une tête d’enfant. Savez-vous sur quoi il l’a dessiné, pour commencer ? Sur du papier jaune ! L’affreux papier jaune dont se servent les bouchers. Vous devinez si le bébé sera rose ! M. Castaing est en passe de devenir le Carrière du fusain, et c’est dommage. » (Ludovic Gaurien, Pau-Saison, 15 février 1910. Pau)
Dans le Mémorial du 4 mars, la même année, on pouvait lire : « Il est permis de regretter la parcimonie dont M. C. a fait preuve cette année. Il n’expose qu’une petite étude, pastel très intéressant sans doute du point de vue des modèles et de l’expression, mais qui ne laisse pas de décevoir ceux qui apprécient surtout dans l’artiste ses qualités si poétiques et si rares, d’invention et de composition. »
Au piano, exposé en 1906, suscite aussi des commentaires : « C’est d’une imprécision vaporeuse, insaisissable comme un rêve d’où se dégage indubitablement une impression artistique réelle, inexplicable, peu en rapport si vous voulez avec les réalités brutales de la vie et des éléments, mais infiniment douce à la contemplation et allant jusqu’au bout de ma pensée, je dirai que M. C. réalise un tour de force en n’employant pas la richesse de la palette, mais que certainement, il limite son talent artistique entravé […] M. C. ne peint pas “de neuf”. Il aime à rendre sa peinture plus ancienne qu’elle ne l’est, à lui donner – ce qui sera regardé comme un anachronisme pictural – la patine du temps, indice d’un esprit plutôt mélancolique fatalement tourné vers des rivages lointains que le soleil n’éclaire que vaguement. » (Le Mémorial des Pyrénées, 2 mars 1906. Pau) La critique touche ici assez juste : la peinture de Castaing est somme toute autant redevable à la peinture des XVIIème et XVIIIème siècles qu’à celle de son temps.
Joseph Castaing n’exposera pas seulement à Pau : il participe quatorze fois au Salon des Artistes Français, à Paris, de 1895 à 1914. Pourquoi ne pas avoir participé au Salon des Indépendants, au Salon d’Automne ou encore au Salon de la Société Nationale des Beaux-arts, manifestations plus progressistes ? Le Salon officiel encourageait une vision de l’art assez étroite et représentait le goût bourgeois pour l’académisme le plus poussé, et l’attachement de Castaing à cette exposition ne s’explique pas par sa manière classique d’aborder le métier de peintre.
Il y recevra cependant quelques prix : une mention honorable en 1906, une médaille de 3ème classe en 1911.
A Paris, Castaing expose en majorité des scènes de genre, illustrations le plus souvent de la vie quotidienne de son propre foyer, ainsi que quelques études et des scènes religieuses. Contrairement à Pau, il n’envoie que peu de portraits.
Pas de répercussion de ses prestations dans la presse de la capitale. L’artiste n’y a pas marqué les esprits, provincial perdu parmi les milliers d’œuvres entassées. Seul le triptyque Pietà en 1908 éveillera un commentaire dans Le Figaro (30 avril 1908) : « M. Castaing y chuchote dans la pénombre une douce pietà qui, par extraordinaire, est un vrai triptyque, parmi tant de triptyques qui n’en sont pas […] Une pietà hors de vue, de M. Henri Castaing garde dans des brumes d’or sépulcrales une bonne expression religieuse. J’aime surtout les deux anges, tenant respectueusement dans les volets de ce triptyque le linge où s’imprima la Sainte-Face et la couronne d’épines. »
Outre ces deux endroits incontournables pour le peintre, on peut encore citer sa participation au Salon des Amis des Arts de Bordeaux en 1905, 1907 et 1913, à une exposition à Vienne sans doute en 1913, une autre à Liverpool en 1909 à la suite de laquelle il est élu membre honoraire de la Société des Pastellistes de Londres, et enfin à Toulouse, à l’Union Artistique au moins en 1906.
Enfin, de sa propre initiative, Castaing organise deux grandes expositions à Pau. En décembre 1905, d’abord, dans son atelier de la rue de la Porteneuve, il accroche une centaine de toiles et dessins, que le public peut venir voir librement jusqu’au début du mois de janvier suivant. Cette exposition contribue fortement à sa notoriété dans sa ville natale, il faut le dire, un peu moribonde en ce qui concerne l’art. « Nous le félicitons d’avoir pris dans notre ville l’initiative de ces expositions particulières, presque ignorées en province, mais très connues à Paris, grâce à des locaux aménagés à cet effet […] M. Castaing se révèle dans cette exposition un grand artiste. » (Le Mémorial des Pyrénées, 20 décembre 1905. Pau)
Le deuxième évènement organisé par le peintre se déroule du 24 novembre au 10 décembre 1907. A sa demande, Le Mémorial des Pyrénées lui ouvre les portes de ses locaux, où il accroche quatorze œuvres auxquelles il en ajoutera cinq autres quelques jours après l’ouverture. Le Mémorial se fait fort de promouvoir l’artiste : « Si monsieur tout le monde […] n’apprécie pas la manière de cet artiste qui fut dès ses débuts, très discuté, on s’accorde du moins à reconnaître qu’il possède ces trois qualités essentielles : l’inspiration, la sincérité, l’originalité […] D’abord amateur de coloris et de la ligne précise, admirateur des Puvis de Chavannes et des Corot, il fut bientôt conquis par la poésie mystérieuse de Carrière. » (Le Mémorial des Pyrénées, 24 et 25 novembre 1907. Pau) « Le local de la Salle des Dépêches devient trop exigu pour contenir la foule des visiteurs qui s’y presse durant la journée et parfois jusqu’à une heure tardive de la soirée. » (Le Mémorial des Pyrénées, 29 novembre 1907. Pau)